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Les deux jeunes gens ne reparurent qu’en fin d’après-midi. Azilis leur trouva les yeux brillants et les pommettes rouges. Elle n’eut pas le cœur de les gronder pour leur longue absence mais se promit de questionner Enid. Elle-même s’était beaucoup ennuyée. Myrddin avait consacré l’après-midi à Arturus pour discuter tactiques militaires et politiques. Azilis s’était obligée à rendre une visite à Math.
Elle avait passé un temps infiniment long à décider avec son intendant quels prés mettre en pâture, combien de moutons exiger des métayers, quels arbres abattre, planter ou émonder. Des tâches qui l’ennuyaient affreusement.
Le repas du soir lui parut donc d’autant plus joyeux que l’après-midi avait été morne. Gwalmai avait retrouvé le sourire et Arturus était dans une forme étincelante. Elle se retira tôt et se déshabilla, le cœur en fête.
« Plus qu’une nuit sans Kian, pensa-t-elle en peignant ses cheveux, debout devant sa fenêtre. Deux au plus. »
— Niniane, veux-tu poursuivre ton initiation ?
Elle sursauta violemment et laissa tomber le peigne qui rebondit sur le sol. Myrddin le ramassa et le lui tendit sans qu’elle réagisse, le cœur affolé par la surprise qu’il lui avait causée.
— Tu m’as fait peur, gronda-t-elle. Pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu viendrais me voir après le dîner ?
Il posa le peigne sur une table et l’observa en silence. Elle remarqua qu’il avait souligné ses yeux de noir, comme le premier jour où elle l’avait rencontré, et noué ses cheveux avec un lien de cuir. Il avait aussi revêtu une saie de laine sombre fermée par une grande fibule d’or en forme de dragon.
Était-ce l’effet du maquillage ? Était-ce dû à son air grave ? Aux ombres que les flammes des lampes creusaient sur son visage ? Le barde Myrddin, léger et souriant, qui dînait en sa compagnie moins d’une heure auparavant, s’était évaporé. À sa place se tenait un être qui dégageait une telle puissance qu’elle pouvait à peine soutenir son regard.
Elle se souvint soudain qu’elle ne portait qu’une mince tunique de lin et que ses cheveux flottaient librement sur ses épaules. Sa gêne aggrava son trouble. Elle chercha des yeux une étole dans laquelle s’envelopper.
— Tu ne m’as pas répondu, Niniane. Veux-tu poursuivre ton initiation ?
Le pouls d’Azilis s’accéléra. Elle hocha la tête, incapable de parler. Il allait lui apprendre à chevaucher le vent ! Cette nuit !
— Oui, dit-il, comme si elle s’était exprimée à voix haute. Je t’emmène dans le Monde des Esprits. Enfile des vêtements d’homme et rejoins-moi aux écuries.
Il sortit de la chambre sans un bruit, comme emporté par un souffle d’air. Un instant, Azilis resta figée au milieu de la pièce, le cœur battant, les mains glacées.
Puis elle se précipita vers son coffre et s’habilla en hâte.